Individualiser les réseaux : le vrai manuel de survie pour diviser un immeuble ancien

Technique
rendez vous et organisation
August 4, 2025

Individualiser les réseaux : le vrai manuel de survie pour diviser un immeuble ancien

Diviser un immeuble ancien en appartements, c'est un peu comme opérer à cœur ouvert. Un geste de travers, et vous vous retrouvez avec un chantier qui saigne de partout, des normes qui vous tombent dessus comme la foudre, et des artisans qui disparaissent dans la nature en emportant vos avances.

Pourtant, c'est l'une des opérations les plus rentables du marché immobilier. À condition de ne pas mourir en cours de route.

Électricité : où la plupart se perdent

La colonne montante, ce piège mortel qu'on vous cache

Première leçon brutale : dès que vous créez 2 logements, même microscopiques, une colonne montante électrique devient obligatoire. Pas négociable. Et ce n'est pas 200€ de câbles qu'il faut prévoir, mais entre 1 000 et 5 000€ par compteur selon que votre réseau local tient le choc ou non.

Le piège ? Enedis ne vous dira jamais à l'avance si votre rue nécessite un renforcement. Vous l'apprenez au moment du devis, quand il est déjà trop tard pour faire machine arrière.

Un conseil : commencez toujours par une pré-étude Enedis avant même de signer l'acte. Parce qu'un projet qui explose le budget électricité de 15 000€ en cours de route, ce n'est plus un projet, c'est un accident industriel.

Sous-compteurs : la fausse bonne idée qui coûte cher

Les marchands de biens en herbe adorent les sous-compteurs. 150€ pièce au lieu de 1 000€-5 000€ pour un vrai compteur Enedis, le calcul semble évident. Sauf que c'est légalement interdit en location nue classique.

Vous ne pouvez revendre de l'électricité que dans le cadre de charges forfaitaires en meublé. Et le jour où vous voulez vendre vos lots ? Il faudra tout reprendre. Les sous-compteurs, c'est du sparadrap sur une jambe de bois : ça masque le problème, ça ne le résout pas.

Eau : la guerre des compteurs

L'équation impossible des nouveaux branchements

Créer de nouveaux branchements d'eau indépendants ? Techniquement possible. Économiquement, c'est souvent un suicide. Entre 3 000 et 10 000€ par branchement, plus les délais délirants : certaines communes vous feront attendre 5 ans si la rue a été refaite récemment.

La solution pragmatique ? Les compteurs divisionnaires internes. <300€ par logement, pose comprise. Simple, efficace, et parfaitement légal en copropriété.

Le piège de la pression

Multiplier les logements, c'est multiplier les douches simultanées. Et découvrir à 22h un dimanche soir que votre pression d'origine ne tient pas la charge, c'est le genre de révélation qui plombe définitivement un projet.

On teste toujours la pression aux heures de pointe avant de valider un plan. Parfois, un surpresseur à 2 000€ évite de reprendre toute la distribution. Parfois, il faut se résoudre à limiter le nombre de logements.

Évacuations : là où tout peut basculer

La pente, cette maîtresse impitoyable

1% de pente minimum pour les évacuations. Ça paraît peu, mais sur 10 mètres horizontaux, c'est déjà 10 cm de dénivelé à trouver. Sur une distance extrême, c'est carrément impossible sans pompe de relevage.

Et puis il y a le sanibroyeur, cette solution de facilité qui fait rêver les bricoleurs du dimanche. Légalement interdit dans le neuf, toléré à reculons dans l'ancien, et source d'une bonne majorité des problèmes locatifs qu'on voit passer. Une installation qui fait du bruit, qui tombe en panne, et qui finit généralement par vous coûter plus cher qu'une vraie évacuation gravitaire.

Notre règle ? Si on ne peut pas faire passer une évacuation classique, on repense le plan. Point final.

Gaz : la grande question existentielle

Garder ou supprimer ?

La plupart des pros choisissent la suppression pure et simple. Plus simple, plus sûr, moins de normes à respecter. Mais attention au piège du tout-électrique : vos appartements vont consommer beaucoup plus, donc nécessiter des abonnements plus puissants (6 kVA minimum au lieu de 3), donc coûter plus cher en exploitation.

Et dans un marché où les DPE sont cruciaux, passer d'un chauffage gaz efficace à des grille-pains électriques peut faire chuter votre étiquette énergétique. Un logement classé G en 2025, c'est un logement inlouable.

VMC : l'oubliée qui peut tout faire capoter

Créer des pièces borgnes (WC, salles d'eau sans fenêtre) sans ventilation mécanique, c'est du suicide réglementaire. Un logement sans VMC conforme n'est tout simplement pas décent au sens légal.

VMC collective ou individuelle ? La collective est plus cohérente techniquement, mais nécessite des gaines communes parfois impossibles à créer dans l'ancien. L'individuelle est plus souple, mais multiplie les risques de panne et les nuisances esthétiques.

Chez nous, on tranche au cas par cas, mais on ne transige jamais sur les débits réglementaires : 15m³/h par WC, 30m³/h par salle de bain. Sans ça, bonjour les moisissures et les contentieux.

Le timing, nerf de la guerre

La symphonie des concessionnaires

Enedis, GRDF, le service des eaux, opérateur télécom pour la fibre... Chacun a ses délais, ses exigences, ses petites manies. Et tous doivent intervenir dans un ordre précis, sous peine de blocage général.

Notre approche ? Un tableau de bord impitoyable avec dates de demande, de devis, d'intervention programmée. Et des demandes systématiquement lancées 3 à 4 mois avant la fin des travaux gros œuvre.

Parce qu'un chantier terminé qui attend 2 mois son électricité, c'est 2 mois de loyers perdus et de charges qui continuent à courir.

Les pièges juridiques qu'on ne vous dit pas

La garantie décennale qui change tout

Si vous êtes marchand de biens, vous engagez votre responsabilité décennale sur tous les travaux réalisés. Une canalisation qui lâche au bout de 5 ans ? C'est pour votre pomme. Un réseau électrique défaillant ? Pareil.

D'où l'importance cruciale de ne faire intervenir que des entreprises réellement assurées en décennale. Pas juste un papier photocopié, mais des attestations à jour, vérifiées auprès des assureurs.

La copropriété future qui vous guette

Tous vos réseaux communs (colonnes, évacuations principales) deviendront propriété du futur syndicat. Leur entretien sera à la charge collective. Autant dire que si vous avez bricolé, les futurs copropriétaires vous le feront payer au prix fort.

La check-list qui sauve

Avant de signer quoi que ce soit :

  • Pré-étude Enedis pour connaître le coût réel des raccordements
  • Test de pression d'eau aux heures de pointe
  • Vérification des possibilités d'évacuation sans pompe ni broyeur
  • Étude de faisabilité VMC avec calcul des gaines nécessaires
  • Recensement des contraintes locales (secteur protégé, quotas municipaux...)

Et surtout, prévoir 15% de marge sur le budget réseaux. Parce que dans cette profession, les bonnes surprises n'existent pas.

Diviser un immeuble ancien, c'est un métier d'orfèvre qui se déguise en boucherie. Ceux qui réussissent sont ceux qui ont compris que la technique prime sur tout le reste. Les autres ? Ils alimentent les tribunaux de commerce et les anecdotes de comptoir.

À vous de choisir votre camp.

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